5-6 juin 2012
Passage de Vénus devant le Soleil
Un nouvel instrument. Une expédition scientifique française.
C’est la dernière occasion du siècle. Le 5-6 juin 2012, la planète Vénus passe devant le Soleil. Un phénomène rare et riche en informations sur l’atmosphère de « l’Étoile du berger ». Les astronomes du monde entier se mobilisent pour l’observer depuis l’Asie, le Pacifique, l’Amérique… Parmi eux, les Français prévoient des observations inédites et se préparent à partir en expédition, dans le sillage d’illustres prédécesseurs tels que James Cook, Cassini de Thury au XVIIIe siècle ou Jules Janssen au XIXe. Neuf télescopes mobiles, cinq grands observatoires solaires et six satellites sont impliqués. Enjeu : préfigurer la quête des autres mondes, lointains et habitables. Aux origines de cette mobilisation, deux chercheurs de l’Observatoire de Paris et de l’Observatoire de la Côte d’Azur ont conçu spécialement un instrument original – le cythérographe.
Lever d’un croissant de Vénus sur le Soleil lors du passage de 2004.
(© Sylvain et André Rondi, 2004)
L’opportunité est exceptionnelle. Les passages de Vénus devant le soleil n’ont lieu que par paires séparées de huit ans, à plus d’un siècle d’intervalle. Les dernières occurrences se sont produites : en 1761 et 1769, 1874 et 1882, puis le 8 juin 2004. À chaque fois, les équipes de l’Observatoire de Paris et de l’Observatoire de Nice se sont trouvées étroitement associées aux campagnes internationales et aux expéditions maritimes mises en œuvre. Les noms de James Cook (1728-1779), César-François Cassini de Thury (1714-1784), Guillaume Le Gentil de la Galaisière (1725 - 1792), Jules Janssen (1824-1907) ou Henri-Joseph Perrotin (1845–1904) les ont brillamment illustrées. En 2004 encore, le passage de Vénus devant notre étoile a donné lieu à une opération pédagogique sans précédent. Pilotée par l’Institut de mécanique céleste et de calculs des éphémérides de l’Observatoire de Paris, elle a permis de reproduire la mesure de la dimension du Système solaire et a rencontré un véritable succès populaire. Pour la première fois également, des informations originales sur l’atmosphère de Vénus ont été obtenues et ont donné lieu à une collaboration entre deux chercheurs de l’Observatoire de Paris et de l’Observatoire de la Côte d’Azur. Ils ont décidé de poursuivre l’aventure scientifique en 2012.
Cette année en effet, Vénus s’apprête à glisser une nouvelle fois devant le disque brillant du Soleil, mardi 6 juin de 0h10 à 6h50 heure légale française. Par conséquent, en métropole, le spectacle sera réduit à la dernière heure du processus, au lever du Soleil. Les territoires et départements d’outremer dans l’océan Pacifique seront aux premières loges. La Nouvelle-Calédonie ainsi qu’en Polynésie, les îles de Tahiti et des archipels Wallis-et-Futuna, Tuamotu ou des Marquises en profiteront pleinement. Attention toutefois à respecter scrupuleusement les précautions d’observation du Soleil
(voir l’encadré en fin de communiqué).
Une expédition scientifique sur mesure
Pour cette occasion exceptionnelle, les scientifiques rejoindront les régions du Pacifique, de l’Asie ou d’Amérique. L’objectif est pour eux d’acquérir des données inédites, jusque-là considérées comme inaccessibles, sur la partie de l’atmosphère vénusienne qui s’étend au-dessus des nuages, à 70 kilomètres du sol. C’est un élément essentiel mais toujours mal connu de la climatologie de Vénus. Cette planète jumelle de la Terre, comparable en taille et en masse, a pour autant évolué très différemment : un effet de serre redoutable entraine des températures allant jusqu’à 465°C en surface, propres à fondre l’étain et le plomb. La jeunesse apparente de sa surface, la couleur même de ses nuages, demeurent inexpliquées.
Pour mener à bien cette mission, une panoplie d’instruments déployés sur Terre et dans l’espace permettra d’étudier simultanément l’atmosphère de Vénus, observée par transparence sur le disque solaire. L’anneau lumineux intense, l’« auréole », qui entoure Vénus au début et à la fin du passage, sera étudié pour la première fois dans différentes longueurs d’onde.
En savoir plus sur les exoplanètes
Au-delà des informations capitales apportées par ces observations coordonnées, les chercheurs auront ici l’opportunité d’acquérir, avec l’atmosphère de Vénus, une référence qui leur servira à l’étude de celle des exoplanètes. En effet, en passant devant le Soleil, l’Etoile du berger simule une planète extrasolaire de taille terrestre, en transit devant son étoile. Les satellites CoRoT du Cnes et Kepler de la Nasa ainsi que les télescopes au sol dont ceux de l’ESO ont déjà détecté plus de 750 de ces exoplanètes1, tournant autour d’étoiles proches de la nôtre. Mais connaître la distance de la planète à son étoile n’est pas une donnée suffisante pour déterminer si la vie y est possible. Caractériser les atmosphères permet de franchir une autre étape dans la connaissance de ces nouveaux mondes.
Et c’est bien cette étape-là que s’attache à préparer la collaboration mise en place par Thomas Widemann de l’Observatoire de Paris et Paolo Tanga de l’Observatoire de la Côte d’Azur.
Neuf cythérographes
Dans ce but, les deux scientifiques ont mis au point un modèle original de lunettes astronomiques, baptisé cythérographes, du nom de Cythère, l’île grecque sanctuaire d’Aphrodite en mer Égée, entre Péloponnèse et Crète. D’un diamètre de 9 centimètres, elles sont produites en neuf exemplaires, pour un coût de 1 400 € l’unité. L’Observatoire de Paris, l’Observatoire de la Côte d’Azur, le CNRS, l’Agence spatiale européenne – ESA et l’université Paris-Diderot ont contribué à leur financement.
Les instruments sont conçus sur le principe du coronographe, mis au point par Bernard Lyot en 1930, afin de masquer la lumière éblouissante du Soleil. Ils sont adaptés à la dimension de Vénus et à l’auréole qui se forme à l’approche du passage. Afin de prendre en compte l’effet des brumes de l’atmosphère de Vénus tel que l’a révélé la mission Venus Express de l’Agence spatiale européenne - ESA, chaque instrument fonctionnera dans un intervalle spectral différent. Les cythérographes, fabriqués et assemblés à l’Observatoire de la Côte d’Azur, seront mis en station dans des régions bien choisies (Svalbard en Europe, Extrême-Orient, Asie centrale, côte ouest des Etats-Unis et Australie) par des équipes expérimentées, chaque station fonctionnant de manière autonome.
Le cythérographe pour l’observation du passage de Vénus en 2012 |
L’expédition scientifique
Equipés de cythérographes, les participants à l’expédition Venus Twilight Experiment (« expérience du crépuscule sur Vénus »), iront se baser à :
- L’observatoire solaire d’Haleakala, Maui, Hawaii
- L’observatoire Pirka à Nayoro, île d’Hokkaido, Japon
- Le lieu-dit Moondara près de Mount-Isa, Nouvelles-Galles du Sud, Australie
- L’Observatoire astronomique Tien Shan, Almaty, Kazakhstan
- L’Observatoire solaire d’Udaipur, Rajasthan, Inde
- Une station mobile à Longyearbyen, île de Svalbard, Norvège, océan Arctique
- L’Observatoire Lowell, Flagstaff, Arizona
- Une station mobile à Nuku Hiva, îles Marquises
- L’Observatoire Khurel Togout, Oulan-Bator, Mongolie, avec un autre type de lunette
Parallèlement, des études utilisant de grands télescopes existants seront menées depuis les sites des observatoires professionnels de Sacramento Peak (Nouveau-Mexique), Kitt Peak (Arizona), Haleakala (Hawaii), Udaipur (Inde) et Yunnan (Chine). Parmi les techniques de pointe utilisées, la spectro-imagerie de Fabry-Pérot et l’optique adaptative permettront de percevoir des détails de 20 kilomètres dans l’atmosphère de Vénus.
Le dispositif sera complété par les données de cinq satellites en orbite autour de la Terre et de Vénus : Venus Express (ESA), le télescope euro-américain Hubble (ESA/NASA), Hinode (Solar B) de l’Agence spatiale japonaise (JAXA), Picard du Cnes et Solar Dynamics Observatory SDO de la Nasa. Enfin, même la sonde euro-américaine Cassini en orbite autour de Saturne sera mise à contribution. Car, coïncidence des éphémérides, un passage de Vénus devant le Soleil sera également visible… depuis Saturne en décembre 2012.
Nouvelles visées scientifiques
Cette épopée permettra de tester les futures techniques d’analyse de la structure, de la composition et de la dynamique de l’atmosphère d’un tel astre de dimensions comparables à celles de la Terre. Les recherches sur les exoplanètes aboutiront dans un proche futur à la mise en évidence de planètes de taille comparable à celle de Vénus ou de la Terre dans leur zone habitable. Or, ces deux corps sont des planètes sœurs, presque semblables mais ayant évoluées différemment. Si Vénus était une exoplanète en transit, que verrions-nous de ses caractéristiques physiques ? De sa composition chimique ? Quelles mesures seraient sujettes à interprétation ? L’objectif est de découvrir la signature spectrale de l’atmosphère de Vénus, et tester la limite de détection de ses constituants atmosphériques qui nous sont déjà connus.
Ces travaux prépareront la mission Exoplanet Characterization Observatory Echo, proposée à l’ESA pour un lancement en 2024. La fusée Soyouz décollera de Guyane et emportera le télescope de 1,26 mètre de diamètre. Le but visé sera de sonder la physique et la chimie des atmosphères d’un échantillon significatif et représentatif d’une centaine d’exoplanètes qui incluront : jupiters chauds, neptunes glacées et super-terres tempérées.
En attendant, les prochains passages de Vénus devant le Soleil se produiront les 11 décembre 2117 et 8 décembre 2125.
Attention
Rappelons au public - et aux enfants - qu’il convient de ne jamais regarder le Soleil ni à l’œil nu, ni qui plus est à travers une paire de jumelles, une lunette ou un télescope. Les lésions sur la rétine sont irrémédiables et instantanés. Il est incontournable d’utiliser des lunettes « à éclipse » récentes, de qualité et certifiées CE.
Collaboration
Les chercheurs français impliqués dans l’expédition pour l’observation du passage de Vénus le 5-6 juin 2012 appartiennent :
- Au département LESIA2 et à l’IMCCE3 de l’Observatoire de Paris
(Thomas Widemann, François Colas, Frédéric Vachier, Jérôme Berthier, Pedro Machado, Sylvain Bouley, Lucie Maquet, Vincent Coudé du Foresto) - Au laboratoire Lagrange4 de l’Observatoire de la Côte d’Azur
(Paolo Tanga) - Au Télescope Canada-France-Hawaii CFHT
(Christian Veillet)
Notes
1Voir le site http://exoplanet.eu/. Mis à jour régulièrement, il répertorie toutes les exoplanètes connues et confirmées.
2Le Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique LESIA est un département de l’Observatoire de Paris. Il est associé au CNRS, à l’Université Pierre et Marie Curie et à l’Université Paris Diderot.
3L’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Éphémérides IMCCE est un institut de l’Observatoire de Paris. Il est associé au CNRS, à l’Université Pierre et Marie Curie et à l’Université Lille 1.
4Le laboratoire Lagrange est une unité mixte de recherche de l’Observatoire de la Côte d’Azur dont les tutelles sont : l’Université de Nice Sophia Antipolis, le CNRS et l’OCA.
Référence
Sunlight refraction in the mesosphere of Venus during the transit on June 8th 2004, paru en mars 2012 dans la revue Icarus.
Pour en savoir plus
- The Venus Twilight Experiment sur le site de l’Observatoire de la Côte d’Azur : images ou petits films de l’auréole seront rapidement mis en ligne sur le wiki du site.
- 2012 : le passage de Vénus devant le Soleil sur le site de l’IMCCE - Observatoire de Paris.
- Histoire des passages : XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, avec notamment une animation montrant les observations de Jules Janssen en 1874 au Japon avec son revolver photographique.
- The Transit of Venus - 5-6 June 2012 sur le site d’Europlanet avec des interviews de chercheurs européens.
Dossier de presse
Télécharger le dossier de presse (format pdf 37 Mo) distribué aux journalistes lors de la conférence de presse tenue le mardi 15 mai 2012, à l’Observatoire de Paris.
Contacts chercheurs
Observatoire de Paris
Thomas Widemann
Maître de conférence UVSQ
LESIA
+33 (0) 1 45 07 77 38
thomas.widemann@obspm.fr
Observatoire de la Côte d’Azur
Paolo Tanga
Astronome adjoint
Laboratoire Lagrange
+33 (0)4 92 00 30 42
paolo.tanga@oca.eu
Contacts presse
Observatoire de Paris
Frédérique Auffret
+33 (0) 1 40 51 20 29
+33 (0) 6 22 70 16 44
presse.communication@obspm.fr
Observatoire de la Côte d’Azur
Cyrille Baudouin
+33 (0)4 92 00 19 70
cyrille.baudouin@oca.eu
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