180209 science AdvancesIl est possible de mieux caractériser les zones de rupture des séismes à venir. C’est ce que suggèrent des chercheurs de Sorbonne Université, de l’IRD et de l’Institut de géophysique de Quito (1) dans un article qui vient d’être publié dans Science Advances . Les équipes de recherche se sont appuyées sur des observations effectuées par GPS, avant et après le séisme de Pedernales (Mw 7.8) qui a frappé la côte équatorienne le 16 avril 2016.

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© Agence Ñan/IRD/Juan Pablo Verdesoto Route éventrée à Pedernales après le séisme du 16 avril 2016

Depuis une vingtaine d’années, les observations s'accumulent dans toutes les zones sismiquement actives, pour démontrer que différents modes de glissement co-habitent sur les failles. Pendant la période séparant deux grands séismes, certaines parties de la faille sont bloquées tandis que d'autres glissent à la vitesse du mouvement relatif entre les plaques tectoniques.

A cette organisation se superposent des glissements transitoires, asismiques, appelés "séismes lents", qui correspondent à un glissement accéléré mais qui reste trop lent pour générer des ondes sismiques. Enfin, immédiatement après un grand séisme, un autre type de glissement asismique, appelé "afterslip", se déclenche autour de la zone de rupture. Dans cette étude, les chercheurs se sont particulièrement intéressés à ces types de glissements que l’on peut détecter à partir de mesures par GPS.

Les observations à la suite du séisme de magnitude 7.8 survenu le 16 avril 2016 le long de la subduction en Équateur ont permis d'étudier les relations spatiales et temporelles entre les différents modes de glissement.

L’afterslip durant le premier mois qui suit le séisme de Pedernales se développe principalement en deux zones discrètes au nord et au sud au-dessus de la rupture du séisme, ainsi que, dans une moindre mesure, en-dessous du séisme. Une des zones d'afterslip correspond à une zone qui apparaissait comme bloquée avant le séisme, une observation en contradiction avec les modèles actuels. Autre originalité du signal suivant le séisme de Pedernales : un séisme lent est déclenché après le séisme, 100 km au sud de la zone rompue par le séisme.


Comprendre comment les glissements transitoires asismiques peuvent moduler l'extension spatiale des séismes à venir

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© Agence Ñan/IRD/Juan Pablo Verdesoto Sur le terrain,les chercheurs recueillent des données des capteurs GPSet sismologiques pour étudier les effets du séisme.

Pour comprendre l'organisation de ces glissements post-sismiques, les auteurs ont analysé les séismes lents qui ont eu lieu avant le séisme de Pedernales, en combinant les mouvements mesurés par GPS, les essaims de petits séismes et l'identification de séismes similaires répétés. Cette analyse révèle que les zones de glissement important après le séisme de Pedernales ont toutes été le lieu de séismes lents avant le séisme. Séismes lents et afterslip rapide témoignent donc de zones à comportement asismique. Ces zones entourent la zone de rupture du séisme de Pedernales.

Cette observation a plusieurs implications sur le fonctionnement des failles. Tout d'abord, alors qu’afterslip et séismes lents sont généralement interprétés comme obéissant à des lois de friction différentes, leur occurrence au même endroit indique que ces deux processus doivent plutôt obéir à une même loi de friction.

Ensuite, ces zones ont eu un comportement asismique qui a perduré pendant les phases inter- et post-sismiques, et la rupture durant le séisme ne les a pas pénétrées. Parce que ces zones "préfèrent" glisser de manière asismique et relâchent les contraintes autour d'elles régulièrement, elles constituent un milieu peu favorable à la propagation de la rupture sismique.

Observer où les séismes lents ont lieu permet de mieux définir spatialement les zones de ruptures sismiques futures. En ce sens, cette étude ouvre la perspective de comprendre comment les glissements transitoires asismiques peuvent moduler l'extension spatiale des séismes et nous renseignent sur l'anatomie de la friction le long des failles

La collaboration scientifique franco-équatorienne mobilisée après le séisme de Pedernales

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© Agence Ñan/IRD/Juan Pablo Verdesoto Observation de l’activité sismique après le tremblement de terre en Equateur. Ici,les chercheurs se rendent en voiture sur les différents sites frappés par le séisme.

Le puissant séisme de magnitude 7.8 qui s’est produit le 16 avril 2016 en Equateur a causé de fortes pertes humaines et matérielles le long de la côte équatorienne, notamment dans les villes de Manta, Porto Viejo et Pedernales.

Dans le prolongement de la collaboration scientifique fructueuse nouée de longue date entre équipes scientifiques équatoriennes et françaises à travers le Laboratoire Mixte International " Séisme et volcans dans les Andes du Nord", une mobilisation commune des chercheurs français et équatoriens s’est rapidement engagée pour étudier le séisme et ses effets. L’intervention après le séisme a bénéficié du soutien logistique de la représentation IRD en Equateur et du soutien financier de l’IRD et du CNRS/INSU, dans le cadre de la cellule post-sismique française (CNRS/INSU). Elles se poursuivent dans le cadre d’un consortium international impliquant des laboratoires français, équatoriens, américains et anglais.

Un réseau de sismomètres terrestres et fond de mer a été déployé, pour identifier et localiser précisément les nombreuses répliques, séismes de magnitude plus faible que le choc principal. Des GPS haute-précision ont également été déployés, pour mesurer les déformations induites par le séisme. Ces mesures, qui se poursuivent, ont permis de déterminer précisément la zone qui a rompu pendant le séisme. Elles doivent aussi permettre d’étudier le comportement des zones périphériques au séisme, susceptibles de rompre à leur tour dans le futur.



Pour en savoir plus
communiqué du 4 mai 2016

Note : (1)
Frédérique Rolandone, Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTeP : Sorbonne Université/CNRS),

Jean-Mathieu Nocquet, chercheur à l’IRD au sein de l’UMR Géoazur (Université Côte d’Azur/CNRS/IRD/OCA) et de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP : Sorbonne Paris Cité/Université Paris Diderot/CNRS),

Martin Vallée (IPGP : Sorbonne Paris Cité/Université Paris Diderot/CNRS), Nadaya Cubas (ISTeP : Sorbonne Université/CNRS), Patrica Mothes et Paul Jarrin (IG-EPN : Instituto Geofísico de la Escuela Politécnica Nacional, Quito, Equateur).